3 mai 2007


Mon amour me laisse un mot sur le bar de la cuisine. Il a dessiné un coeur où il a mis Micha et puis Tomke. Il a dessiné Notre-Dame de Paris derrière. En fait toute personne autre que moi serait incapable de la voir. Moi, je crois que j'ai un peu compris comment Paris est dans ses yeux, alors je l'entraperçois.

Il est 21h. Je suis dans le lit. Il est parti hier à l'improviste dans un eurostar pour Lille. Alors c'est bien mais je voudrais trouver la force d'être aussi plein quand il n'est pas là. Pouvoir simplement m'assoir, ouvrir un bouquin, ne pas penser à ce qu'il y a au bout de l'eurostar où nous ne sommes pas ensemble. Ne pas chercher dans mon souvenir l'odeur de son ventre ou la sensation de mes mains dans ses boucles. Arrêter de vouloir toujours être près de lui même quand je me raisonne et que je me dis que tout seul, parfois, c'est bien aussi.

Je voudrais qu'on parte au bout du monde.

Je suis encore attiré par le vide, ces jours-ci. Je pensais les angoisses loin de moi. Je reste cloîtré toutes fenêtres fermées pour me donner l'illusion que je n'ai pas envie d'aller sur le balcon et de me pencher jusqu'à basculer, crâne en avant sur le trottoir. J'ai parfois envie d'hurler. Ca vient quand je ne vois plus que ça. La fenêtre, la rambarde et le trottoir quatre étages plus bas.

Cristina à l'instant au téléphone. J'aime de plus en plus ces injections d'Espagne. Je pense qu'un jour, je partirai là-bas, je ferai la sieste et ne reviendrai plus.

Je pleure devant la fin du "Dictateur" de Chaplin que j'ai vu pour la troisième fois au cinéma dans le cadre de mon cours. Je crois que quelques élèves sont rentrés dedans et ont compris. Alors, je me dis que je sers à quelque chose.

Samedi, je fais de la musique dans une belle salle pour la sortie d'un beau disque de nous. On nous verra dans la presse de la région puis à la télé aussi. Ca me fait du bien à mon image. Je crois qu'un artiste a de salvatrices poussées de narcissisme perdues au milieu d'un dédale de doutes, de non-confiance en soi. C'est mon cas. J'ai à peine écrit cette phrase que je ne suis déjà plus certain d'en être un, d'artiste. Est-ce que c'est être artiste que de bouger les doigts en rythme sur un accordéon et d'aligner dans un ordre soi-disant nouveau les sept notes de la gamme pour écrire le morceau qui étoffera notre set ?

Je voudrais être parfois comme sur la photo. Avoir les moyens (je ne parle pas de fric mais d'intelligence, de confiance en soi, d'assurance) de me la péter la clope au bec au fond des ascenseurs ou sur les terrasses des grands boulevards. Faire de beaux gestes très sûrs et poser mes mots comme personne, pour faire mentir ne fût-ce que quelques instants tous ces moments où je pleure le visage caché dans mon oreiller parce que je ne me suppporte plus.

Je soupe avec du gruyère caramel ramené de Suisse par Irène. J'ai envie de serrer mon amoureux. J'ai envie de sexe. Avec n'importe qui à mon goût. J'ai envie de plonger mes yeux dans les siens. Je vais descendre, marcher dans les rues et ramener le premier beau garçon et je le déshabillerai sur le divan. Je jouirai sans me préoccuper de lui et c'est lui qui passera par la rambarde du balcon.

Mon amour, tu as les plus beaux yeux du monde.

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