27 août 2009

Je ne sais pas si j'ai envie d'être là. Je veux dire ici. Tomke est parti pendant huit jours. Le soleil tombe sur le jardin. A cette heure-ci, tous les verts sont les mêmes. Les bambous, le cerisier, le figuier et le lierre. Juste les taches orange des potirons. Si je pouvais faire pleuvoir, je ferais pleuvoir maintenant. Et je m'installerais torse nu sur la terrasse, à l'abri, j'inspirerais très fort pour sentir encore ce que ça fait, l'odeur d'une pluie d'été. Tu vois, je tourne en rond. J'ai donné tout ce qui me reste de Sel et Sucre à une amie; je veux dire, la première version. Je repense à ces soirées devant l'ordinateur, quand je ne pouvais plus me passer d'écrire, pour faire sortir.

Quelques années plus tard, j'ai encore plein de saloperies à l'intérieur, mais je ne sais plus les dire. Je crois qu'en gros, ça va. Je veux dire, je crois que j'ai pas mal de choses pour être heureux. Du moins, c'est ce qu'on me dit. Les gens ont peut-être raison mais alors, pourquoi ça ne devient pas plus simple ? Pourquoi tant de fois j'ai envie de pleurer de "trop" ?

J'ai écouté la version de geamparele, la nouvelle, qu'on prépare pour notre série de concerts. Je l'ai mise très fort, j'ai joué dessus et pour la première fois, j'ai eu des frissons. Je parle de frissons sur notre musique...

8 décembre 2008

J’ai repensé à tes pages il n’y a pas longtemps. Enfin, à lui, je veux dire. L. J’ai pas senti le truc venir. Les larmes. Pas des larmes de chagrin, ni des larmes tout court, juste les yeux prêts à déborder et le cœur chaud. J’ai revu notre histoire, et je m’y suis tenu tout au bord, pas longtemps, juste le temps du vertige. J’ai dansé près de lui au concert de l’Irlandaise aux chapeaux ronds et plats. Il criait très fort, et comme autrefois, ça m’a insupporté, ses cris de groupie hystérique, et en même temps, je le regardais du coin de l’œil, là, à quelques mètres de l’endroit où j’ai touché sa bouche en tremblant, le 6 décembre 1996. Je me suis dit putain douze ans. Douze ans. Comme ça, je me les suis pris d’un coup.

Un jour, avant tout ça, j’ai vu un magnifique garçon dans un bar cosy, près des galeries Saint-Hubert. Un truc en sous-sol. Une avant soirée le cul au fond de gros coussins rouges en velours, une espèce de défilé des plus beaux spécimens qui hanteraient les boîtes de nuit quelques heures plus tard. Il est entré, accompagné d’une longue fille un peu vulgaire. Il était très mince, comme j’aime, puis grand, et blond platine. Un visage incroyablement lumineux, des dents magnifiques, un nez parfait, des fripes colorées et un vrai sourire. Un joli monsieur de manga gentil, pantalon serré et jolie bosse prometteuse entre les jambes. Il a traversé le bar et je me souviens m’être dit que je l’aurais. Quelques heures plus tard, il avait choisi la même boîte que moi. Je me rappelle m’être approché et lui avoir demandé, comme je l’avais déjà fait avec plusieurs jolis garçons à l’époque : « Je peux t’embrasser ? » Pour toute réponse, il m’a souri et fait un vrai baiser d’amoureux, long et très doux, comme s’il n’avait jamais connu que moi, au milieu de la piste. C’est le seul baiser qu’on se sera fait. On est devenus amis, on avait vingt ans, on se maquillait vaguement, on dansait dans son appart sur des chansons sucrées, on s’endormait en riant dans le même lit, on se badigeonnait d’Issey Myake et on allait promener nos petits culs dans les boîtes un peu glauques, en se lançant des sourires entendus. J’avais parfois envie de lui. A ce propos, j’ai un souvenir extrêmement précis : on arrivait en tram à Louise, il était assis en face de moi et portait un pantalon de jogging. Je me souviens très précisément de son éclat de rire innocent et de la phrase qu’il m’a dite en me montrant sa queue qu’on voyait grossir à travers son pantalon : « Merde, C., je bande ! » Je crois que c’est une des seules fois dans ma vie où j’ai dû puiser dans toutes mes ressources d’homme vaguement civilisé pour ne pas le bouffer des pieds à la tête, là au milieu du tram 94. On n’a jamais couché ensemble. Puis on s’est perdu de vue. Hier, c’est-à-dire dix ans plus tard, je l’ai recherché sur Facebook. Il se souvient de moi et m’appelle par le surnom qu’il me donnait à l’époque, comme si c’était hier. Puis je regarde ses photos. Ce n’est plus lui. Il a pris vingt kilos. Ces yeux sont cernés, son visage est bouffi. Il lui reste ses jolies dents, son sourire, et d’un coup, je me suis pris une claque en pleine figure.

Il est 23h21, je suis au fond de mon lit et je ne sais pas pourquoi je t’écris. Je n’ai plus le temps. Je ne prends plus le temps, plutôt.

Je suis un imposteur. Je me dis ça souvent, ces temps. J’ai l’impression d’être vaguement professeur, vaguement musicien (l’autre jour, j’ai assisté impuissant à la répé de notre groupe sans comprendre un traître de mot de ce qui se passait, me contentant de jouer ce qu’on me disait qu’il serait bien que je joue), vaguement tout… Les gens louent mes qualités d’accordéoniste, me remercient de je-ne-sais-quoi et moi, j’ai l’impression de les berner, de leur jeter de la poudre aux yeux. J’ai l’impression parfois d’être un piètre tripatouilleur, assez malin pour s’entourer de musiciens incroyables, au talent musical énorme, mais qui n’ont pas mon bagout sur scène, ce qui fait que les gens ont l’impression que j’y suis pour quelque chose alors qu’en fait, je ne maîtrise rien. Je voudrais tant pouvoir fermer ma gueule et enfin jouer vraiment.

Je ne te parlerai pas de mon amoureux ce soir. J’en veux au temps qui nous empêche de nous voir comme on le voudrait. Il n’en peut plus, pleure dans mes bras hier, je fais le dur et en même temps, je ne vois pas comment ça pourrait aller mieux.

J’écoute l’album de Jan Johansson « Jazz pa Svenska ». Comme toujours, je rêve de nord.

20 avril 2008


Mon amoureux est parti ce week-end. Je me retrouve mais à force, j'ai le ventre serré. Je voudrais enfouir ma tête entre sa peau et son pull et le sentir sous mes lèvres, là, maintenant. Et rester là. Des heures.

J'ai fait un drôle de rêve ce matin. Je simulais une maladie pour louper une réunion, à l'école. J'étais là et pas là. Je vois la tête de mon préfet, compatissant et compréhensif. Il me regarde par intermittence, comme s'il avait peur de ficher ses yeux dans les miens plus d'une demi-seconde. Je lui souris en me disant : "Bande de connards". Au réveil, je réalise que je n'aime plus vraiment mon métier, en tout cas là, cette année. Et pour la première fois, je n'ai pas peur en faisant ce constat. Je me sens au-dessus de ça. Les élèves, les cours, les huit heures du lundi, les insultes, les crachats dans les coins de classe, les bagarres, les collègues, les fardes vides, l'insolence. Les heures passent les unes après les autres. Et moi je suis déjà ailleurs.

J'ouvre la fenêtre de ma cuisine et je photographie ma main gauche, pour la centième fois. Je la trouve belle encore. Je m'habitue à l'anneau d'or un peu trop grand. Je l'ai enlevé hier soir pour faire la vaisselle et j'étais nu.

Ce week-end, un garçon est venu partager mon petit déjeuner. On parle longtemps et le temps passe vite. Alors on dîne ensemble aussi. Il me parle de lui, de ce qui le rend heureux et de ce qui l'empêche de l'être pleinement, parfois. Je me livre, aussi, un peu. Je lui parle de mon amoureux, de L. Je lui dis ma vie quand il est parti et pour la première fois depuis I., je vais lui chercher Sel et Sucre, ces trois cents pages de larmes que je garde dans un vieux sac tout au fond de l'appartement, et je lui prête. Je ne sais pas pourquoi. Je le raccompagne. On s'embrasse et j'ai envie de le prendre dans mes bras et de le serrer très fort.

Je t'écris pour la première fois depuis quatre mois. Je reviendrai encore, je crois, comme à chaque moment de ma vie où je suis à fleur de peau. C. sort de la pile un album de Souchon. Je le réécoute pour le moment. Sa voix me touche, parce qu'elle n'est pas sûre d'elle, comme si elle se baladait sur un fil, comme si elle était recouverte d'un voile, d'un fin morceau de tulle. J'aime ses mots simples. Je crois qu'il n'y a pas de mots plus simples.

Je te laisse. Je reviens. J'ai les larmes aux yeux.

3 décembre 2007

Prenez-moi, et ne me rendez pas...

Je discute avec une élève de mon ancienne école. Elle a 15 ans tout juste, me parle d'Accatone et de Happy Together. Je me dis "fuck". Et je pense à mes élèves, parfois de loin ses aînés, à qui je dois rappeler qu'il existe deux auxiliaires...

Mon amoureux n'est pas là. Et comme chaque fois que mon amoureux n'est pas là, je vis plus lentement. Comme si tout s'engourdissait un peu. J'en ai marre de ça. Je maudis cette incapacité à me retourner, à prendre vraiment le livre que je me dis que je vais prendre, à quitter ce putain d'ordinateur où il ne se passe presque rien de bon, à simplement me coucher sur le lit parce que je le veux et que j'en ai besoin, et pas parce que je n'ai pas le courage d'autre chose. Je commence à me demander si c'est par manque de mon amoureux ou si c'est simplement le fait d'être "seul" qui me plombe ainsi. Auquel cas je suis mal barré.

J'écrivais à un gentil garçon rencontré sur l'ordi, tiens, justement, que j'ai l'impression de tourner en rond, là, dans ma vie, pour le moment. J'étouffe, je veux prendre l'avion, avec lui souvent, sans lui parfois. Je veux connaître d'autres personnes, encore, tout le temps. Je ne veux plus voir notre chambre et ces livres, et ces bouts de maquettes qui traînent partout au milieu de mes cours, j'en ai assez de manger la même cuisine et de boire le même vin, d'aller faire mes courses au même supermarché, à la même caisse, parce que la caissière est cool et me demande comment je vais.

J'ai envie de me rouler dans des feuilles de thé noir. Du Marco Polo, ce sera très bien.

Je ne sais pas si c'est bien, justement, de rencontrer des gentils garçons sur l'ordi, comme ça, quand mon amoureux ne sait rien, puis de les rencontrer dans la vie, alors qu'il ne sait toujours rien. Ce n'est peut-être pas bien mais je m'en fous. Ca me fait du bien. J'ai une telle envie d'autres univers, de nouveaux visages, de nouvelles voix, de nouveaux signes.

J'en ai marre d'écrire "je", de ne parler que de moi, tout le temps, depuis toutes ces années où j'inonde le net de ma petite vie. Je voudrais prendre du recul, raconter des vies qui ne seraient pas la mienne.

Je le sens très amoureux pour le moment. Je crois que je m'inquiète moins de ces signes d'"autres" qu'il oublie d'effacer de son téléphone qu'il m'arrive de fouiller comme un con ou de l'ordinateur, où il m'arrive de tomber sur des photos d'inconnus de toute façon moins jolis que moi. Il m'aime alors je veux apprendre à m'en foutre.

Encore de sales angoisses de hauteur, ces temps-ci. Je n'ose pas lui en parler. J'aurais l'air d'un fou.

Et puis il a repris son violon alto. J'ai écrit des notes que pour lui, une seconde voix. On joue ensemble. Je ne lui dis rien mais au fond de moi, j'ai très chaud de vivre ce rêve enfin...

11 novembre 2007


Je regarde mes mains, témoins les plus implacables du fait que je ne
pourrai jamais revenir en arrière. Je les trouve belles, je me demande
vaguement pour combien de temps encore. Je les passe sous le robinet
comme pour me rassurer, et derrière le flou de l’eau, me donner
l’illusion de mes vingt ans.

Je pense rarement comme aujourd’hui au temps qui passe. Se dépêcher à
tout faire et rester là les bras ballants, découragé par la somme de ce
qui reste. Et pour finir ne rien faire, ou pas grand chose.

Je pense à toi, Jacqueline, ces temps-ci. Tu es souvent dans mes
conversations. Et je répète les mêmes anecdotes, comme pour te faire
vivre encore un peu. L’histoire de la toile affreuse que tu avais
achetée pour faire plaisir à une amie, et que tu me demandes de
retourner, ciel vers le sol, champs vers le plafond, histoire de
changer un peu, et qui ne bougera plus jusqu’à ta mort, puis celle de
tes projets de jouer Mélisande à quatre-vingt-un an, sur un cheval de
bois… Je me dis que je voudrais avoir vécu comme toi, au-dessus de mes
moyens physiques, jusqu’au bout. Et ne se rendre compte de rien, même à
la dernière minute.

Mon amoureux s'approche de moi et voudrait que je ferme les yeux. Il me
redemande en mariage comme pour me dire que c’est moi qu’il aime,
qu’importent tous les autres. Il me passe au doigt une bague bricolée
dans le coton et l’aluminium. On éclate de rire. Il dit que maintenant,
on est vraiment fiancés.

Je plie en deux un mot gentil qu'il m'a laissé il y a quelques jours
sur la table de la cuisine. Je le mets dans la boîte de Paris, à côté
de mon lit, avec d'autres signes de lui. Je me dis que c'est con. Que
je ne devrais rien garder. Rien du tout. Effacer le passé très vite.
Effacer, avancer, effacer, avancer... Je ne sais pas. Je pense à une
autre boîte, avec d'autres signes, d'un autre garçon, là-bas dans le
grenier où j'ai entreposé le contenu de ma petite maison. Il ne
faudrait rien garder, juste pour ne pas avoir à mettre au grenier. Je
regarde une nouvelle fois la boîte en fer. Je voudrais la lancer loin,
de l'autre côté du parc où elle s'ouvrira et où tous les mots se
délaveront sous la pluie.

23 octobre 2007

- Tu m'aimes ?
- Oui.
- Plus que tous les autres garçons de la terre ?
- Oui. Il n'y a que toi qui me rends heureux.